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Le Blog de Jonathan Fanara

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Tiananmen, 1989 : la Chine ébranlée

Publié par Jonathan Fanara sur 3 Juin 2013, 19:05pm

Catégories : #International

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C’était il y a vingt-quatre ans précisément. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, l’Armée populaire de Chine ouvre le feu sur les jeunes manifestants qui occupent depuis plusieurs semaines la place Tiananmen. Cet événement sonne le glas du « printemps de Pékin ».

 

Dès 1979, Deng Xiaoping lance des réformes d’envergure afin de libérer l’économie chinoise de ses carcans. La communauté internationale ne se prive pas d’applaudir cet aggiornamento politique à tout le moins inattendu. Très vite, les entreprises occidentales, notamment américaines, vont affluer et investir en masse dans l’Empire du Milieu. L’exode rural commence alors à poindre : des milliers de paysans quittent chaque jour leur province d’origine pour s’installer là où les emplois se créent. Ce phénomène de migration, inenvisageable sous Mao, qui contrôlait strictement les mouvements de population, conduit de nombreux travailleurs à rejoindre les usines, qui poussent comme des champignons. Sans crier gare, un essor économique sans précédent s’amorce.

 

C’est pourtant dans ce contexte prometteur que le sang va couler à Pékin. En 1989, un mouvement de contestation prend de vitesse le pouvoir en place et le camp pro-démocratie. Tant le PCC que Deng Xiaoping y laisseront des plumes. De cette révolte populaire, le monde retiendra un symbole : l’image d’un manifestant esseulé faisant front aux chars de l’armée.

 

Hommage ou mouvement de contestation ?

 

Le 15 avril 1989 est annoncée officiellement la mort de Hu Yaobang. Depuis son limogeage deux ans plus tôt, la popularité de cet ancien secrétaire général du PCC demeurait à son zénith. Un mouvement de sympathie s’empare alors de Pékin, qui lui rend un hommage appuyé, saluant notamment ses aspirations réformatrices. Déjà, certains profitent de l’occasion pour demander au Parti unique d’accélérer la refonte du paysage socioéconomique national. Alors que les revendications foisonnent, les étudiants chinois montent en première ligne et font entendre leur voix. Ils se rendent en nombre devant le monument aux héros, place Tiananmen, pour célébrer la mémoire de Hu Yaobang.

 

Quelques jours plus tard, le 20 avril, plusieurs milliers de personnes se présentent devant l’entrée de Zhongnanhai, la « nouvelle cité interdite », afin de réclamer une réévaluation de l’action de l’ancien patron du PCC. Et ce n’est pas tout : figurent parmi les doléances des appels à la liberté d’expression et à la lutte contre la corruption. Le gouvernement, malavisé, choisit de répondre aux revendications par la violence. À défaut de communiquer, les autorités publiques agitent les matraques. Il n’en faut pas davantage pour pousser le mouvement pro-démocratie à se structurer. C’est ainsi que les étudiants se mettent à créer des associations autonomes pour remplacer les unions officielles liées au Parti.

 

Les manifestants investissent Tiananmen

 

Le 13 mai, certains manifestants commencent à observer une grève de la faim. Les Pékinois investissent peu à peu la place Tiananmen, rejoignant ainsi des étudiants déjà largement mobilisés. Les pommes de discorde se font jour : les Chinois se plaignent tour à tour du coût de la vie, d’une justice jugée défaillante, d’une liberté considérablement entravée et de la corruption des cadres du régime. Peu après, le 17 mai précisément, une réunion tenue chez Deng Xiaoping tourne au pugilat : le patron du PCC, Zhao Ziyang, et son lieutenant, Bao Tong, sont accusés de soutenir le mouvement étudiant. La tension grimpe parmi les officiels. Le président évoque une anarchie naissante et un risque de contagion pouvant mener, à terme, à une perte de contrôle totale. Il va même jusqu’à suggérer l’instauration de la loi martiale. On sent le souffle du Premier ministre, le conservateur Li Peng, dans sa nuque.

 

Le 18 mai au matin, Zhao Ziyang, secrétaire général du PCC, décide de jeter l’éponge. Le prédécesseur de Li Peng refuse de marcher dans les pas d’un pouvoir qui s’apprête à brutaliser son peuple. Dès le lendemain, il part à la rencontre des manifestants, accompagné du futur Premier ministre Wen Jiabao. Sentant la menace de l’affrontement poindre, il demande aux contestataires de regagner leur foyer. Les événements vont lui donner raison : la loi martiale est promulguée le 20 mai.

 

L’armée entre en jeu

 

Des murs humains se dressent en vue de freiner l’avancée des soldats. Les manifestants s’opposent pacifiquement à l’armée, au risque d’en subir les (lourdes) conséquences. Du 20 mai au 3 juin, l’APL apparaît comme paralysée dans une capitale qui entre en ébullition. Les troupes qui circulent à Pékin ont l’ordre de ne pas menacer la foule. Jusqu’ici, les chargeurs demeurent vides…

 

Alors que les étudiants se raréfient, les chômeurs investissent à leur tour la rue. On observe, à cet instant, des signaux contradictoires de résignation et de radicalisation. Mais l’évolution de la contestation laisse penser au pouvoir que la maison brûle. Car la loi martiale, au lieu de calmer les ardeurs populaires, a eu pour seul effet d’irriter un peu plus les foules mobilisées. Alors que tout porte à croire que la violence est évitable, voire inutile, l’inexpérience des deux camps va les amener à prendre les mauvaises décisions, mettant progressivement le feu aux poudres. Les manifestants refusent de faire marche arrière par crainte de présenter un visage docile, tandis que le PCC, obsédé par sa crédibilité, ne bouge pas d’un pouce en vue de parvenir à un compromis acceptable. On assiste par conséquent à un vulgaire jeu de postures. Il va s’avérer destructeur.

 

« Nettoyer » la place

 

Après des semaines de tergiversations, l’armée reçoit, le 3 juin, l’ordre de « nettoyer » la place. Mais les consignes officielles exigent que le sang ne coule pas à Tiananmen. La plupart des scènes de violence seront donc à déplorer dans les avenues adjacentes et dans les quartiers voisins. Pékin devient le théâtre de lynchages de soldats, de tirs contre des barrages humains et d’exécutions sommaires. Une barbarie immodérée y sème la mort et le chaos. Le bilan se révélera extrêmement lourd : des centaines, voire des milliers, de vies injustement sacrifiées. Quant aux blessés, ils se comptent en légions. Certains suspecteront même les autorités chinoises d’avoir calciné des corps pour effacer toutes traces des événements. Ce massacre, que le pouvoir cherche aujourd’hui à passer sous silence, impactera considérablement l’Empire du Milieu. Il isolera temporairement le pays et écornera durablement l’image du réformateur Deng Xiaoping.

 

 

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