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Le Blog de Jonathan Fanara

Le Blog de Jonathan Fanara


Dexter Morgan, antihéros sanguinaire

Publié par Jonathan Fanara sur 5 Octobre 2013, 05:42am

Catégories : #Séries télévisées

Chiffrer un préjudice n’a rien d’une sinécure. Cela nécessite une méthode éprouvée, une rigueur scientifique indiscutable, en l’absence de quoi ne subsisteraient que des conjectures hasardeuses et des estimations à la grosse louche. Pourtant, pris dans leur ensemble, certains faits ne trompent pas. Il en va notamment ainsi de la pluie de critiques qui s’est récemment abattue sur la Toile, chargeant sans ambages le dénouement bâclé d’une téléfiction autrefois adulée, la bien nommée Dexter.

 

À coups de flashbacks grotesques, de morts surréalistes et d’incohérences manifestes, le final de cette célèbre production estampillée Showtime ne nous épargne rien. À tel point d’ailleurs que la fin alternative imaginée par Clyde Phillips, l’ancien showrunner attitré, en arrive à attiser les regrets d’aficionados au mieux désemparés, au pire dépités. Quant à un éventuel spin-off, possibilité offerte par des voies de secours laissées grandes ouvertes, il ne susciterait tout au plus qu’un intérêt poli. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi…

 

Acte I : ce Dexter qui nous questionne

 

Parsemée d’éclairs de génie, la première saison de Dexter pose les jalons d’un show anxiogène aux multiples ramifications. Ni erratique ni convenue, elle tranche les nœuds gordiens avec fougue et audace, tandis que s’y découvre un charme crépusculaire protéiforme.

 

Antihéros par excellence, Dexter Morgan travaille en tant que spécialiste en traces de sang pour la police de Miami. Une couverture idéale, qui lui permet non seulement de tenir à l’œil les criminels qui échappent à la justice, mais aussi et surtout de les enjoindre de rendre leur dernier souffle sur sa table d’exécution, selon un rituel scrupuleusement agencé.

 

Sans circonlocutions, la mécanique à effets s’emploie d’emblée à déconstruire quelques symboles américains. De l’éclatement familial à la faillite du système pénal, la série de James Manos Jr. couvre un large spectre thématique, repositionnant au passage les questions de la culpabilité et de la peine de mort au cœur des débats. Réglé comme du papier à musique, le récit fait en outre la part belle au « passager noir » de Dexter, un faisceau de pulsions irrépressibles le conduisant immanquablement au meurtre.

 

Traumatisé par l’assassinat de sa mère, sous le coup de penchants sanguinaires, l’analyste s’en remet alors à un code enseigné par Harry, son père adoptif, policier de carrière. Pour survivre, il lui faut maintenir coûte que coûte un voile de normalité et faire preuve de la plus grande discrétion. Pour soulager sa conscience et baliser quelque peu ses activités criminelles, il s’interdit d’exécuter des innocents et se borne aux crapules volant sous les radars de la justice.

 

Acte II : l’enlisement

 

Neutralisant systématiquement toute suspicion à son encontre, Dexter peut s’abandonner librement au plaisir cathartique de tuer. Si ses victimes se succèdent avec une régularité de métronome, lui s’en tire toujours à bon compte. Un peu comme un chat retombant invariablement sur ses pattes. Sur le plan sentimental, il s’engage dans une relation durable – mais artificielle – avec la belle Rita, qui ignore tout de sa face cachée. De leur union naîtra Harrison, une trouvaille scénaristique censée venir perturber la partie d’échecs grandeur nature que dispute notre serial killer.

 

La promotion de Debra, catapultée à la tête de son département, complique quelque peu la chasse mortifère dans laquelle notre héros s’accomplit et s’épanouit. Affronter un agent de police un peu trop regardant est une chose, se soustraire à la vigilance d’une sœur aimante en est une autre. Enfin, plus généralement, Dexter paraît en quête de transparence et de repères. Ainsi, il partagera son secret avec le psychopathe Miguel Prado et étudiera soigneusement la couverture d’Arthur Mitchell (Trinité), un démon barbare déguisé en saint philanthrope.

 

Acte III : chute libre

 

À partir de sa cinquième saison, Dexter semble s’endormir sur ses lauriers et doit composer avec un intérêt décroissant. L’intrigue peine clairement à se renouveler, tandis que les nouveaux personnages introduits, tous bords confondus, pâtissent d’un cruel manque de profondeur. Ni la naissance d’Harrison, ni même la mort brutale de Rita, lâchement assassinée par Trinité, ne viendront reformater le show. Pour peu, l’intrigue tournerait presque en rond, désespérément autocentrée et ankylosée.

 

L’encourageante – mais tardive – entrée en scène de deux protagonistes à tout le moins énigmatiques, Hannah McKay et Evelyn Vogel, ne parviendra pas à enrayer une chute devenue inexorable. La première, empoisonneuse invétérée, fait naître chez Dexter des émotions inconnues jusque-là. La seconde, neuropsychiatre de premier plan, a tout de la mère de substitution, à la fois protectrice et prévenante. Mais ces bouées de sauvetage scénaristiques se dégonfleront vite et ne tiendront que partiellement leurs promesses.

 

Quid alors de la triviale Debra, sœur affectueuse et néanmoins tiraillée par le doute ?  Cuisinée à toutes les sauces, enfermée dans une relation en dents de scie, elle finit reléguée au rang de variable d’ajustement, juste bonne à alimenter le prisme de l’amour incestueux. À mesure que la série progresse, cet électron libre perd en effet de son attrait romanesque, jusqu’à ne plus évoluer qu’en parallèle de Dexter.

 

Redondant et en manque de souffle, le show tire sa révérence en bottant en touche et en laissant l’intrigue cul par-dessus tête. Comme si, après avoir avancé dans le flou, il se délestait de la nécessité de trancher dans le vif. Ou quand des scénaristes en panne d’inspiration s’échinent à noyer le poisson…

 

 

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