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Le Blog de Jonathan Fanara

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Présidentielle : le FN brouille les cartes

Publié par Jonathan Fanara sur 23 Avril 2012, 16:03pm

Catégories : #Édito

Le premier tour de l’élection présidentielle française a livré ses verdicts. Et ils peuvent parfois sembler inattendus. François Hollande arrive en tête, pointant à presque 29 %. Il devance légèrement Nicolas Sarkozy, qui réalise une contre-performance unique dans l’histoire de la Ve République. C’est en effet la première fois qu’un président sortant ne parvient pas à s’imposer à l’issue du premier tour. Mais c’est incontestablement une victoire à la Pyrrhus pour le Parti socialiste. Car, derrière l’ogre rose, déferle une vague noire. Marine Le Pen, la candidate frontiste, récolte plus de 17 % des voix. Mieux que son père en 2002, quand il avait sorti prématurément Lionel Jospin. Pratiquement aussi bien que François Bayrou en 2007, quand il faisait triomphalement figure de troisième homme. Derrière, le phénomène Jean-Luc Mélenchon s’écrase à 11 %, très loin des résultats annoncés par les sondages. Une double déception, puisque le Front de gauche rate le podium et ne parvient pas à dégonfler le score de Marine Le Pen. Une autre désillusion : celle du MoDem, stagnant à 9 %. Parmi les grandes tendances, on notera que la gauche, dans son ensemble, avoisine les 44 %. Et tous, sauf Nathalie Arthaud, ont appelé à voter, au moins indirectement, pour le candidat du PS. Mais les intentions de François Bayrou demeurent pour l’instant énigmatiques. Et le report des voix frontistes paraît difficilement quantifiable, comme en témoignent les prévisions foncièrement divergentes des grands instituts, passant parfois du simple au triple. Enfin, l’abstention tant redoutée a été grandement surévaluée.

 

Plusieurs leçons à tirer de ces événements. 1) La droite républicaine a enfanté et alimenté la montée du FN, en surfant sur ses thèmes de prédilection, en les crédibilisant. Ainsi, le débat nauséabond sur la viande halal, les postures anti-européennes ou encore les discours aux relents xénophobes auront porté aux nues la parole lepéniste. 2) Marine Le Pen, après avoir chuté dans les sondages, a su habiller d’un cache-misère son programme économique, totalement irréaliste et farfelu, pour mieux se consacrer aux sujets sécuritaires ou sociétaux. Les ignominies de son père, amalgamant notamment Nicolas Sarkozy aux nazis, ne l’ont même pas freinée. Elle se pose indéniablement en grand vainqueur de ce premier tour. 3) Le PS n’a pas encore gagné : l’imprévisible report des voix du FN et du MoDem pourrait engendrer quelques surprises. Par contre, les élections législatives ne devraient pas lui échapper. 4) L’UMP, condamnée à se reconstruire sous peine d’imploser, devra faire face à un FN conquérant qui rêve de lui voler la vedette. 5) Les sondeurs ont gravement failli. Ils ont surestimé le vote en faveur du FdG et méprisé la menace frontiste. Une nouvelle fois, ils se montrent coupables de prévisions trompeuses. 6) Échec cuisant de Patrick Buisson, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, transfuge de l’extrême droite. Sa stratégie électorale, en éliminant les nuances, a laissé les modérés sur le bord du chemin et a permis au FN de se refaire une santé. 7) L’UMP agitait inlassablement un chiffon rouge : François Hollande serait l’otage de Jean-Luc Mélenchon en cas de victoire. Les urnes y apportent un démenti cinglant. Et laissent supposer que Nicolas Sarkozy, lui, en revanche, sera bien tributaire du vote frontiste. 8) Nicolas Sarkozy, dont l’impopularité s’avère historique, a dû affronter plusieurs crises de grande ampleur durant son mandat. Il serait par ailleurs impliqué dans de sombres affaires financières, qui agitent le microcosme politico-médiatique. Dans ces conditions, son score se veut honorable. 9) François Bayrou, commentateur lucide et avisé de la scène politique, dont les prémonitions s’avèrent souvent exactes, ne parvient décidément pas à se positionner et à constituer une force viable, capable de remporter une élection.

 

Aujourd’hui, la France hérite d’un micmac politique abscons. Les plus modestes - chômeurs, retraités, ouvriers, employés ou fonctionnaires - se sentent abandonnés par les dirigeants issus des grands partis traditionnels. Et se tournent par conséquent vers les formations marginales, extrémistes, dont la parole se libère. Cette France dont le FN constitue la nécrose, qui souffre d’une sclérose de la pensée, pour qui le racisme se banalise, a immanquablement besoin de pédagogie, mais plus encore d’attention. C’est par ce biais qu’il faut lutter contre la lepénisation des esprits. En outre, l’abstention est ici un argument irrecevable. La vérité, c’est que le FN a gagné l’adhésion assumée de plusieurs millions de Français. Depuis 2007, son score a pratiquement doublé. Une redistribution complète des cartes qui complexifie et déstabilise le jeu politique. Empruntons à la bourse l’un de ses concepts : il s’agit d’une bulle électorale que seul un excellent gouvernement pourra dégonfler. Et ce ne sont pas les caciques de l’UMP, Rachida Dati, Xavier Bertrand, Alain Juppé ou Jean-François Copé, en s’improvisant entremetteurs, qui réussiront à convaincre les électeurs de revenir dans le giron des partis démocratiques. Ce flirt éhonté, en direct, constitue une mise à sac de la République. Hier soir, certains d’entre eux ont évoqué des frontières hermétiques pour l’Europe, fustigé des éventuelles hausses d’impôts, refusé sans ambages le vote des étrangers aux élections locales ou encore stigmatisé les immigrés. Une belle leçon d’opportunisme politique. Combien de temps encore les électeurs accepteront-ils que la droite lorgne l’extrême droite, transigeant avec les principes les plus élémentaires de la démocratie ?  Combien de temps avant qu’ils ne privilégient l’original à la copie ?

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