Ce n’est évidemment pas un hasard si Totoro a été érigé en emblème des studios Ghibli. Ce long métrage d'animation récolta en son temps un succès triomphal au Japon, avant de marquer durablement la culture mondiale, jusqu’à se frayer un chemin étroit dans la très populaire saga Toy Story, où il croise fugacement Woody à l'occasion du troisième épisode. Hayao Miyazaki exprime dans Mon voisin Totoro l’étendue de son talent et de sa sensibilité, avec une simplicité parfois confondante, là où d’autres auraient peut-être été tentés par une méditation ampoulée. Il distille ce qu’il faut d’onirisme, raconte les craquelures qui strient l’enfance, place deux fillettes devant leurs angoisses – les recoins sombres d’une nouvelle maison, mais surtout la maladie affectant leur maman – et quadrille le tout de dessins splendides, féériques, faisant la part belle à une nature verdoyante, en harmonie avec les hommes, touchée d'animisme, ainsi qu'à un bestiaire flattant l’imagination – un étrange « chat-bus », un mignon « Totoro-lapin », un imposant « Totoro-ours ».
Film poétique, hors des modes, inspiré de la propre enfance de son créateur, Mon voisin Totoro se démarque des productions hollywoodiennes à plusieurs égards : la négation du traditionnel méchant, l’infusion d'une mélancolie persistante, le refus de l’anthropomorphisme et de tout moralisme puéril. Les frayeurs enfantines y font leur oeuvre, à travers les mystères de la forêt comme par cette très belle scène où des « noiraudes » volatiles envahissent le grenier. Les animaux de Miyazaki, par leur apparence a priori effrayante (les yeux du chat, les dents et les griffes de Totoro), y contribuent également, avant de se parer d’un tout autre attribut : en bons serviteurs, ils aideront les deux soeurs à faire pousser des graines, à se retrouver quand l’une d’elles sera portée disparue, puis à se rendre à l’hôpital auprès de leur mère, jouant de ce fait les traits d’union entre les fillettes et leur nouvel environnement. Comme toujours chez Hayao Miyazaki, on ne néglige ni le plus manifeste ni le plus anecdotique. Ainsi, à côté des remarquables séquences d’exploration de la nouvelle maison ou de découverte des Totoro prennent place des balades champêtres formellement somptueuses, des répliques éclatantes de justesse ou des petits gestes délicats – offrandes de fleurs, d’épi de maïs – qui, eux aussi, donnent sa chair douce-amère au métrage.
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